News

When jihadism becomes a domestic threat

25 April 2013

Claims that radicalisation occurs through a lack of integration are unfounded says EFD Senior Policy Advisor.

La croyance que la radicalisation serait un produit dérivé de l’absence d’intégration est une aberration. L’attentat de Boston l’a démontré une fois de plus.

Alors même que le calme semble revenu à Boston après l’explosion des bombes qui ont ensanglanté le marathon annuel de la ville, deux considérations sont à l’ordre du jour. Toutes deux impliquent le concept de normalité. De nombreux commentateurs submergés par l’émotion, et pas seulement aux Etats-Unis, ont comparé les attaques de Boston à celles du 11 septembre 2001. L’indignation justifiée à l’égard de cet acte haineux qui a ôté la vie à trois spectateurs innocents de l’événement sportif, dont un enfant de 8 ans, et qui en a blessé presque deux cents autres, ne doit pas nous faire perdre le sens des proportions. Depuis des décennies, l’ETA en Espagne, l’IRA en Grande-Bretagne et d’innombrables groupuscules inspirés par l’extrême gauche, l’extrême droite et d’autres idéologies extrémistes ont mené des milliers d’attaques similaires à celle de Boston à travers tout l’Occident.

Cette réalité est atroce, mais elle est malheureusement normale. Normale ne signifie pas qu’elle doive être tolérée, ni que nous devions l’accepter passivement, pas plus au niveau de l’application de la loi qu’à celui de l’ensemble de la société, mais que la vulnérabilité au terrorisme des sociétés ouvertes et démocratiques est une triste réalité. A moins que l’attaque terroriste n’ait les proportions historiques du 11-Septembre, la meilleure manière d’y répondre est d’en traîner les auteurs devant la justice, de tenter d’en prévenir de nouvelles et, en substance, de continuer à mener une vie normale.

Une autre normalité déplaisante émerge des événements de Boston. Avant de découvrir que les autorités suspectaient Djokhar et Tamerlan Tsarnaev, deux frères d’origine tchétchène qui vivaient dans la région de Boston depuis de nombreuses années et semblaient bien intégrés, de se trouver derrière l’attentat, la plupart des commentateurs se sont demandé si les auteurs étaient «autochtones» (les suprémacistes blancs présents à travers tous les Etats-Unis) ou «étrangers» (les djihadistes). Cette analyse est profondément biaisée du fait qu’elle néglige les centaines de djihadistes qui ont grandi dans le pays et qui, ces dernières années, ont été arrêtés par les autorités partout sur le territoire américain.

Tandis qu’ils épousent une idéologie étrangère, les djihadistes américains sont autochtones sous tous les autres aspects. Ils sont nés, ou du moins ont été éduqués, aux Etats-Unis, leur radicalisation a eu lieu au sein même du pays, grâce à Internet et/ou à l’influence de groupuscules radicaux qui y ont pris racine. Certains d’entre eux sont de petits criminels et des groupes marginaux, d’autres sont des étudiants et des professionnels accomplis. Certains sont nés musulmans et viennent de régions aussi diverses que le Moyen-Orient, la Somalie ou les Balkans. Un nombre disproportionné d’entre eux se sont convertis à l’islam, et sont aussi issus de différentes ethnies. Certains sont très religieux, et correspondent à l’image stéréotypée du fanatique islamiste, jusque dans leur apparence. Mais d’autres, à l’instar des frères Tsarnaev, mènent une existence hybride, épousant l’idéologie djihadiste tout en fumant de la marijuana, en portant des vêtements à la mode, en sortant avec des filles et écoutant du rap.

A l’image de leurs pairs européens, certains aspirants djihadistes américains se rendent dans des régions comme le Pakistan, la Somalie ou le Yémen afin de rejoindre différents groupes djihadistes et de combattre à leurs ­côtés, ou de se former au terrorisme. Il semble que ce soit le cas de Tamerlan, l’aîné des frères Tsarnaev, qui a fait un récent voyage dans le Caucase, voyage qui a incité les autorités russes à alerter le FBI à son propos. Dans de nombreux cas, ils ont planifié des attaques sur le territoire américain qui, pour diverses raisons, ont échoué. Carlos Bledsoe, un natif de Nashville converti à l’islam, qui a tué deux recruteurs de l’armée à Little Rock en 2009, ou Nidal Hassan, un natif de Virginie qui a tué 13 camarades soldats à Fort Hood en 2009 également, ont tous deux réussi leur attentat.

A travers toute l’Europe, la Suisse y compris, les autorités et le public ont depuis longtemps accepté la triste réalité voulant qu’un certain pourcentage de leur population musulmane, statistiquement insignifiante mais significative sous l’angle de la sécurité, ait embrassé l’idéologie djihadiste. En dépit de l’évidence qu’une dynamique similaire est en œuvre sur son territoire, le public américain refuse de regarder cette réalité en face, se berçant de l’illusion que cette radicalisation est un problème qui n’affecte que les musulmans européens. Les Américains pensent que, contrairement à leurs pairs européens, les musulmans américains ne sont guère tentés d’adopter l’idéologie extrémiste parce qu’ils sont en moyenne en meilleure santé, mieux éduqués et mieux intégrés. Les frères Tsarnaev sont juste le dernier exemple de l’aberration de cette analyse, basée sur la croyance que la radicalisation serait un produit dérivé de l’absence d’intégration.

Suite aux événements de Boston, rien ne peut être plus contre-productif (pour ne pas dire ­injuste) que de stigmatiser l’ensemble de la communauté musulmane qui est tout aussi horrifiée que n’importe laquelle par ces attaques et qui représente le meilleur atout pour en prévenir de nouveaux. Par ailleurs, le problème ne devrait pas être exagéré, ni politisé – deux conséquences probables. Mais les événements de Boston semblent fournir une preuve supplémentaire indiquant que, exactement comme en Europe, le djihadisme n’est pas seulement une menace externe pour les Etats-Unis, mais également une menace domes­tique.

 

This article originally appeared here.